La
confiance est un concept central du leadership, mais même sa définition crée
des débats. Est-ce une valeur morale qui transcende l’entreprise ou simplement
un climat de fonctionnement indispensable à la relation leader-suiveur ? Pour
une entreprise, nous préférons parler de climat de confiance : un
environnement où la personne se met facilement en mode de transparence logique
(et donc de vulnérabilité) vis-à-vis de l’entreprise ou d’une autre personne
(ou d’un groupe de personnes), car le leader a mis en place tous les garde-fous
nécessaires pour éviter l’abus, et favoriser l’épanouissement d’idées et de
progrès au travers des collaborations multiples.
Cette
confiance ne se décrète pas, elle se cultive. Par cultiver, nous ne disons pas
semer et laisser pousser ; cultiver veut dire défricher, planter,
favoriser la croissance, et mettre en avant la récolte.
La
confiance est essentielle au bon fonctionnement des entreprises, car elle motive
employés et management intermédiaire, et elle permet à des processus simplifiés
de fonctionner sans infrastructure démesurée et coûteuse.
Notre
conviction est que la confiance se construit :
- avec un leader-architecte courageux ;
- avec un plan de construction et
d’aménagement ;
- avec du temps.
A QUOI RESSEMBLE LA CONFIANCE ?
La
confiance peut s’identifier – d’une manière réductrice mais efficace - au
travers de 4 observations à l’intérieur d’une entreprise.
Un investissement temps du dirigeant,
en tant qu’architecte courageux et passionné
Le
courage et la confiance sont liés.
Le
dirigeant doit favoriser la culture de la confiance tout en étant vigilant pour
éradiquer les éléments qui ont tendance à détruire la confiance. Ce n’est pas
une mince affaire et c’est une activité chronophage pour laquelle le dirigeant
doit être prêt à investir son temps.
L’engagement
des employés est un choix (plus ou moins vrai en fonction du contexte de
l’emploi) qui se traduit par 4 composantes que nous allons développer plus
bas :
- la confiance en la vision,
- la confiance en son management de proximité,
- le sentiment que sa propre voix est entendue,
- la confiance en soi.
Le
rôle du dirigeant architecte est d’incarner la vision, de transcender sa couche
de management intermédiaire (quand elle existe), de mettre l’employé
(l’individu au cœur du projet) à l’aise avec la formulation de ses points de
vues et à l’aise avec soi-même dans la conduite de sa mission au quotidien.
Pas de collaborations efficaces et
d’interdépendance productive de résultats sans confiance
Une
considération à prendre en compte suite à de nombreuses recherches sur la
confiance est le constat suivant : la confiance se manifeste au travers de
3 ressentis :
- Les employés sentent une diminution de
certains aspects coercitifs qui font souvent entrave au développement de
la confiance: passer du reporting contraignant d’évaluation périodique à une communication
mensuelle qui sollicite de l’aide ou des décisions, moins de processus lourds
synonymes de « micro-management », et une diminution drastique de la
mécanisation du management sous forme d’une réduction du nombre de
« KPI » (indicateurs de performance) imposés aux employés. Le (ou
les) KPI(s) est (sont) dynamique(s) ; la check-list a disparu.
- Le temps d’entreprise est dual :
un temps pour exprimer ses opinions (les employés sont sollicités et entendus),
et un temps d’exécution (tous jouent la même partition opérationnelle). Pour
rappel, ces deux éléments (pensée disciplinée et action disciplinée) sont une
des clés identifiées par Jim Collins, dans son livre Good to Great, de la surperformance des entreprises.
- Les employés comprennent la traduction
des règles de l’entreprise dans leurs règles de jeu individuel (dans
l’entreprise) et les attentes de leur contribution au quotidien.
La confiance rend obsolète nombre de processus
complexes et coûteux
Le
taylorisme nous a appris les avantages de la décomposition du travail
industriel en tâches. Le « BPO », ou réingénierie des processus, nous
a appris les avantages de la décomposition des tâches d’administration et de
gestion en sous-procédés automatisables grâce aux développements des systèmes d’information
et de communication. Mais un avantage poussé à l’excès est forcément créateur
d’inconvénients. Or, ces deux approches partagent le même inconvénient :
la déshumanisation de l’entreprise, une des origines de la perte de confiance
pour les employés et d’investissements massifs et rigides dans des
« systèmes » qui facilitent le mode « contrôle ».
Aujourd’hui,
les entreprises tendent à se reposer sur des infrastructures complexes et
coûteuses pour la conduite des affaires ; sans cesse à la recherche
d’efficacités et d’économies de personnel (un des principaux coûts de toute
entreprise). Les dirigeants y trouvent également leur confort pour certains
penchants vers le « micro-management » ou « droit
d’intrusion ».
Quand
la confiance est là, les systèmes deviennent moins complexes, les erreurs sont
corrigées avant même d’avoir produit des résultats lisibles, les engagements
non-tenus sont sanctionnés avec un bon équilibre. En bref le système donc
l’entreprise devient agile tout en étant transparente et toujours sous
contrôle.
Le rôle du management intermédiaire
est transcendé
Les
couches intermédiaires de management ne sont pas des relais
« amoindris » du dirigeant, ni des relais mécaniques dans la structure
de commande et de contrôle.
Là où
la confiance règne, les managers intermédiaires deviennent :
- des simplificateurs et des catalyseurs à
l’extrême
- des vecteurs d’épanouissement et de
développement des employés
- des incubateurs d’idées nouvelles en créant
leur propre écosystème interne
- des observateurs acérés du marché et de
l’expérience client
En
bref, ils deviennent des relais de leadership dans l’entreprise.
A QUOI SERT LA CONFIANCE POUR UN LEADER EXCEPTIONNEL ?
Il
n’y a pas de leadership sans une forme de confiance plus ou moins aboutie. Sans
un minimum non négligeable de confiance, les suiveurs trouvent toujours des
excuses pour ne pas suivre leur leader. Par ailleurs, il devient impossible
d’oser ou de prendre le moindre risque, et l’énergie investie par les employés
est minimale. Sans confiance, il y a doute, et s’il y a doute, les suiveurs du
leader sont moins nombreux et moins motivés. Le leadership du dirigeant peut
dès lors être en péril.
La
confiance est la traduction opérationnelle la plus efficace du travail dans
l’incertitude.Les
dimensions du leadership les plus sollicitées pour cultiver la confiance
sont :
- gérer l’entreprise en mode
« serein » en partageant ses découvertes, ses convictions et ses
actions
- montrer une vision et sa trajectoire
- donner les bonnes impulsions et sentiments
d’urgence
- encourager la contradiction
- donner de l’énergie
Sur
un registre personnel, le dirigeant passe moins de 50% de son temps en interne.
Les intelligences pratiques, émotionnelles et sociales sont au même point
d’équilibre que son intelligence analytique.
COMMENT CULTIVER LA CONFIANCE ?
Les 4
composantes qu’un leader doit savoir développer en s’appuyant sur notre modèle
de leadership Aragorn :
Susciter la confiance en la vision
Le
leader doit être omniprésent sur les trois dimensions de son leadership :
- savoir mettre en avant ses convictions en
toute sérénité, et dans le domaine de la confiance on peut s’inspirer des
travaux de Peter Koestenbaum (éthique, courage et sens de la réalité)
- montrer la trajectoire de l’entreprise vers
la vision d’un futur désirable pour tous
- gérer un bon rythme de progression, ni trop
lent (impatience) ni trop rapide (démotivation)
Développer une culture pour que la
voix des employés soit entendue
Le
leader doit être irréprochable sur deux dimensions de son leadership :
- savoir encourager la contradiction, faire
remonter les mauvaises nouvelles, et encourager la prise de risques nécessaire
pour gagner
- transmettre de l’énergie pour donner le sens
de l’audace à chacun des employés ou groupe d’employés
Investir dans le management de
proximité
Un
leader ne peut être partout, il doit s’appuyer sur des relais efficaces qui eux
aussi doivent être en pleine confiance et au diapason du dirigeant. C’est à ce
niveau que se joue la bataille pour éviter les deux écueils qui détruisent la
confiance instantanément (adresser les attentes déçues et répondre aux voix non
suivies).
Le
leader, en plus de s’exposer avec sérénité, va exploiter les trois dimensions
collectives de son leadership :
- communiquer avec authenticité
- encourager la contradiction
- donner de l’énergie
Encourager la confiance en soi avec un
climat social serein et propice à la collaboration
Le leader
doit s’appuyer sur toutes les facettes de son Intelligence Sociale.
A ce
stade, le leader a défriché le terrain (employés et management intermédiaire),
a planté sa vision, et a favorisé la croissance. Il est temps de mettre en
avant sa récolte.
Avoir
une entreprise en confiance est un processus qui prend du temps, c’est une
dynamique qui se construit dans la durée, et suivant un parcours semé
d’embûches. Car si la confiance met longtemps à se construire, deux éléments (extrêmement
simples à mettre en œuvre et terriblement efficaces) sont capables de la
détruire très rapidement : une simple attente déçue sans explication (le
mur), et le sentiment de ne pas se sentir entendu (le vide). Ce sont les deux
points de vigilance que le dirigeant doit garder en « mémoire vive ».
Auteurs : Patrick Buffet & Xavier Baudard