mardi 26 juillet 2016

MANAGEMENT : ELOGE DE LA SANCTION




Toutes les études le montrent, les salariés souhaitent que leur entreprise, et donc leurs managers, comprennent leurs motivations propres, fassent davantage confiance, laissent de l’autonomie, etc.
Elles révèlent aussi que plus de la moitié des salariés ne se sentent pas encouragés à prendre des risques pour essayer de nouvelles idées, tenter de nouveaux modes de fonctionnement, etc.
Alors, paradoxe ou dysfonctionnement ? 


Le paradoxe du dirigeant 

Laurence Saunders, Associée de l’Institut Français d’Action sur le Stress (IFAS), interrogée par le journal Le Monde en avril 2015, parle du « paradoxe du dirigeant » : « par anxiété, par peur, le dirigeant n’ose pas lâcher du lest, faire confiance, mettre en place des politiques plus collaboratives. Une peur, encore plus réelle dans un contexte de crise économique, que bien souvent seule la perception de contrôler peut apaiser. Et plus on veut prendre du contrôle, plus on ajoute du reporting. » Une telle posture est d’autant plus étonnante que les dirigeants ont généralement été auparavant collaborateur, puis manager. Et souvent, ils se plaignaient également de ce qu’ils font subir à leur tour à leurs collaborateurs.
Que se passe-t-il donc ?

Nos années passées en tant que managers, puis dirigeants, les formations en management que nous avons suivies, les nombreux dirigeants que nous avons coachés, les études menées sur le leadership avec le Aragorn Leadership Institute, toute cette matière nous amène à émettre un constat : ce paradoxe est dû pour une grande partie à un manque de compétence managériale sur un point précis, savoir sanctionner.


 
Responsabilisation et sanction, indissociables éléments de management
Avoir demandé cette autonomie, ces responsabilités, ces possibilités de prendre des risques, et les avoir obtenues, tout cela ne peut être correctement mis en œuvre sans être conscient qu’un échec devra être sanctionné. Et cette prise de conscience concerne à la fois le manager et le collaborateur. Mais que l’on se comprenne bien, sanctionner ne signifie pas uniquement virer ou entamer une procédure RH lourde. Tout comme récompenser, sanctionner doit comporter une large palette de possibilités graduées.
Pourtant, trop souvent, la sanction, quand elle arrive, est dure, voire violente. Le manager, le dirigeant, trop généralement, laissent passer un premier manquement, puis un deuxième, etc., jusqu’à ce que la marmite explose et qu’un couperet tombe (moment classique où il est demandé aux RH de faire le nettoyage, ce qui au passage n’est pas très sympathique de le faire faire par une tierce partie qui n’y est pas forcément pour grand-chose). Dans la très grande majorité des cas, la sanction est donc assez binaire : rien ou pas grand-chose, et tout à coup l’explosion et la sanction radicale sans coup férir.



Devoir et savoir sanctionner

Sanctionner n’est certes pas la partie la plus sympathique du management, mais elle en est un aspect primordial. Et si elle est si mal utilisée, c’est qu’elle n’est pas maîtrisée.
Combien de managers et dirigeants ont suivi des formations en management ? La majorité je pense. Or, si dans ces formations on montre comment motiver ses collaborateurs, leur fixer des objectifs SMART, etc., qui y a appris l’art de la sanction, ou à maîtriser ce que j’appelle le recadrage positif ? Quasiment personne. Et c’est là que le bât blesse. Car savoir sanctionner, c’est être capable d’observer les déviations très tôt et de maîtriser la graduation des sanctions, depuis la simple remarque orale appropriée jusqu’au licenciement pour faute, faire prendre conscience à un collaborateur qu’il y a eu erreur (l’erreur est humaine), l’accepter, et lui faire bâtir le plan d’actions correctif adéquat. Ce n’est pas aller directement à la sanction lourde du type avertissement officiel ou licenciement pour faute.
Ce n’est pas non plus être dans un monologue de réprimandes, mais questionner en utilisant toutes ses intelligences multiples, écouter les réponses, les challenger, faire des contre-propositions, bref identifier la meilleure solution pour tous. Après tout, n’est-ce pas ce que nous faisons généralement avec les enfants ? Quand ils font des erreurs, on ne les chasse pas immédiatement du foyer (enfin j’espère).
Et ainsi que Hervé Sérieyx (ancien Président de la Fédération Française des Groupements d’Employeurs, entre autres) l’a montré dans ses travaux, il ne peut pas y avoir d’autonomie réelle sans sanction des engagements non tenus, et la correction rapide des erreurs évite les démotivations ultérieures. Ces deux éléments sont d’ailleurs valables pour les deux parties (manager et collaborateur).



Managers, dirigeants, travaillons donc davantage notre capacité à sanctionner justement, intelligemment, et avec bienveillance. Nos équipes ne pourront qu’en sortir grandies et donc être plus efficaces. Car la conséquence d’une non maîtrise de la sanction, ce peut être le micro-management, le reporting, les contrôles à outrance, etc., soit des éléments d’entrave, de ralentissement des process, donc des pertes d’efficacité. Or, qui ne recherche pas l’efficacité ?




Auteurs : Xavier Baudard & Patrick Buffet


lundi 22 février 2016

LES INTELLIGENCES MULTIPLES - (2nde partie)



Dans notre article précédent, nous avions partagé la genèse du développement et de notre compréhension des intelligences multiples. Nous avions mis en exergue les « langages » ancestraux qui permettent de mettre ces intelligences en action. Dans cet article nous passons en revue les quatre grandes familles d’Intelligences et leurs impacts sur l’expression du leadership. 


INTELLIGENCES ANALYTIQUES


Ces intelligences regroupent la famille des intelligences logiques (mathématiques et sciences) de H. Gardner, héritages du raisonnement verbalisé et structuré. Malgré les différences culturelles évidentes, l’antiquité asiatique et occidentale a pavé le développement de cette intelligence dans la formation de ses élites, et plus récemment dans l’éducation et la reconnaissance des mérites.
Ce sont les formes d’intelligences les plus intuitives car les plus médiatisées, car associées aux modes modernes d’éducation scientifique.
En termes de leadership professionnel, ces intelligences demeurent la fondation des qualités d’analyse, de hauteur stratégique, de conceptualisation et de vivacité intellectuelle. 


INTELLIGENCES PRATIQUES 



Ces intelligences regroupent la famille des intelligences expérimentales non structurées mais verbalisées. Nous sommes tous familiers avec ces formes d’intelligences qui sortent des canons classiques de l’intelligence logique, mais leur reconnaissance en tant qu’intelligences est encore aujourd’hui un long et lent processus initié par H. Gardner et de nombreux autres chercheurs. Nous l’observons chez des artisans capables de trouver des solutions pratiques à des problèmes complexes, ou chez des professionnels aux savoirs multiples.
En termes de leadership professionnel, ces intelligences sont particulièrement appropriées pour développer des solutions simples, sa finesse d’analyse et son habileté tactique. 


INTELLIGENCES ÉMOTIONNELLES 

Ces intelligences sont directement inspirées des travaux de D. Goleman. Elles exploitent notre langage ancestral que l’on retrouve dans notre cerveau reptilien et notre système limbique : l’empathie. D. Goleman décrit cette capacité comme une mise en résonance de soi et de son environnement en faisant converger une bonne connaissance et maîtrise de soi-même avec une prise de conscience et une interaction authentique avec les autres.
En termes de leadership professionnel, ces intelligences sont essentielles pour à la fois développer la sérénité du leader et la capacité à développer l’environnement de confiance indispensable pour susciter l’engagement des autres.
Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises ont engagé des programmes d’accompagnement du leadership pour rendre leurs entreprises plus émotionnellement intelligentes. Le travail de coaching du leadership se développe aussi souvent sur la mise en résonance du leader avec son entreprise et le monde extérieur. 


INTELLIGENCES SOCIALES 


La terminologie utilisée pour cette famille d’intelligences est en pleine évolution.
Ces intelligences recoupent à la fois les concepts d’H. Gardner et de D. Goleman sur la sensibilité à son environnement, ainsi que les mises en évidence récentes des recherches aussi bien en neurosciences qu’en psychologie sur les intuitions.
La pratique de notre empathie dans des environnements différents et plutôt non familiers nous permet de développer des capacités intuitives fortes. En étant provocateur, c’est à peu près tout le contraire de l’expérience professionnelle classique. Cette pratique développe une expression d’intelligences de sensibilité (savoir ressentir une situation avant de l’analyser correctement) et d’influence (savoir faire converger des idées) qui sont des vecteurs formidables d’incitation à la collaboration.
En termes de leadership professionnel, ces intelligences sont essentielles pour donner une étoffe et une épaisseur durables aux dirigeants d’entreprises – en partie ce que les anglo-saxons appellent les « soft-skills ». La notion de sensibilité (et donc d’intuition) du dirigeant est souvent associée aux concepts de développement durable et de responsabilité économique et sociale, ce qui est probablement vrai, mais un peu trop réducteur et caricatural.
La pratique des intelligences sociales permet avant tout d’envisager les futures formes de l’organisation et de l’engagement des employés ; et permet de changer ses modes de délégation, de prise de décision rapide et de développement de vrais talents autour de soi. 


INTELLIGENCES ET LEADERSHIP 

Notre première conviction est que les langages et familles d’intelligences, que nous venons de balayer, sont toutes inscrites dans notre patrimoine cérébral. Toutes ne sont pas développées pour exprimer leur plein potentiel, mais nous en avons tous la possibilité. Et nos travaux sur le leadership et l’individuation professionnelle nous ont confortés dans cette acceptation, quels que soient le contexte (croissance, retournement, phases de changements, etc.) ou la culture (européenne, asiatique, moyen-orientale, nord-américaine, etc.).

Notre seconde conviction est que le leadership n’est pas inné. Chacun de nous dispose de qualités intrinsèques qui peuvent rendre plus ou moins facile l’acquisition du leadership. Les exemples les plus cités sont le charisme (indépendamment des effets contraires de ses excès), et le caractère extraverti de la personne. Néanmoins, le leadership se développe et s’affine tout au long de son expérience personnelle et professionnelle.

Le point de rencontre entre intelligences et leadership se trouve dans nos postures. Nos intelligences sont le prisme au travers duquel nous verbalisons qui nous sommes (nos convictions et nos croyances), et ce que les autres peuvent attendre de nous (visualisation, authenticité, confiance, entre autres). Plus nous explorons nos intelligences et les pratiquons, plus nous développons notre potentiel de leader observable par les autres.
Malheureusement, dans notre carrière professionnelle, nous nous laissons souvent griser par nos premiers succès : face à telle ou telle situation, nous avons trouvé une « recette » qui a fonctionné plusieurs fois ? Alors nous la réutilisons, parfois à outrance. Et lorsqu’elle ne fonctionne plus, nous ne comprenons pas, et en rejetons fréquemment la faute à des causes exogènes, ce qui est une marque de non-leadership.



Cette tendance à répéter nos « recettes » favorites est la caractéristique même d’une utilisation très restreinte de la palette de nos intelligences multiples.

Le challenge pour être un bon leader dans la durée serait-il donc de pouvoir expérimenter pour apprendre, et de transcender ses succès pour activer le plein potentiel de toutes ses intelligences en action ?
C’est la réponse positive apportée par le modèle Aragorn.



Auteurs : Patrick Buffet & Xavier Baudard

mercredi 14 octobre 2015

LES INTELLIGENCES MULTIPLES - (1ère partie)


L’idée que nous disposons de plusieurs formes d’intelligence est plutôt bien établie, et corroborée par les avancées des neurosciences. Le concept des « Intelligences Multiples » mis en avant par Howard Gardner, et l’engouement des entreprises pour devenir plus émotionnellement intelligente, en écho aux travaux de Daniel Goleman, donnent de plus en plus d’épaisseur à ce qui paraissait une simple théorie au début des années 80. 


Au 20ème siècle, la suprématie d’une forme d’intelligence mathématique, scientifique et logique a influencé notre matière d’évaluer le potentiel de l’homme. Elle est aussi la résultante d’un long cheminement éducatif qui a privilégié cette forme d’intelligence en lui donnant ses plus beaux atours : la réussite scolaire et les diplômes prestigieux des grandes écoles. Mais déjà une voix – celle de Jean Piaget – s’était élevée pour constater des disparités surprenantes dans les tests de QI. L’environnement dans lequel évoluait l’enfant favorisait plus ou moins ce dernier, en abstraction de son potentiel réel. La maîtrise des mots et des chiffres dans la cellule familiale avait tendance à favoriser les enfants dans leurs scores d’intelligence analytique, grâce à cette aisance. La lecture de l’intelligence linguistique proposée par Howard Gartner donne une piste d’explication intéressante : pour exploiter au mieux certaines formes d’intelligences nous aurions eu besoin d’une bonne maîtrise d’un langage verbalisé, fait de mots et de chiffres – voire de notes de musique et de visualisation à trois dimensions comme le suggère H. Gardner avec ses Intelligences Musicale et Spatiale. 

Une autre piste de réflexion a été le fruit des travaux de D. Goleman, qui s’est appuyé sur les recherches de David Mc Clelland. Ces travaux ont mis en avant une Intelligence Émotionnelle que l’on peut associer à un langage ancestral non verbalisé : l’empathie. Grâce aux neurosciences, les mises en évidence d’un réseau de neurones miroirs apportent une matérialité à l’hypothèse d’un langage ancestral hérité des tribus anciennes, et même des mammifères. Ce langage non verbalisé sous-tendrait l’expression de formes d’intelligences peu reconnues jusque récemment, dont l’Intelligence Émotionnelle. D. Goleman – en collaboration avec Richard Boyatzis et Annie McKee – a également mis en exergue l’importance de cette intelligence pour l’expression première (ou plutôt primitive) de son leadership, de sa capacité à être suivi en obtenant l’engagement autour de soi. 


LA CONTRIBUTION D’HOWARD GARDNER 

H. Gardner a développé une définition possible des intelligences : ses prérequis et ses caractéristiques et attributs en puisant dans les connaissances récentes des neurosciences, et de nombreuses bases de données. Le résultat de ses travaux révèle des formes d’intelligences peu intuitives. Tout d’abord l’Intelligence Linguistique qui est caractérisée par la maîtrise du langage, de sa syntaxe, et de sa sémantique. Une capacité développée chez l’homme dès l’utilisation de la rhétorique, dont on retrouve les traces dans l’antiquité. H. Gardner met également en avant des intelligences musicales et spatiales qui nous semblent pouvoir être des formes de perceptions « verbalisées » en complément des mots et des chiffres, voire datant même d’avant l’émergence des mots et des chiffres. 
Dans ses travaux, nous avons aussi été interpelés par sa définition de l’Intelligence Corporelle et notamment sa mise en évidence chez les primates. Mais cette existence a permis de combler un vide dans nos travaux ultérieurs sur les expressions non verbalisées, en complément du langage empathique. 
Les Intelligences Personnelles d’H. Gardner nous ont permis de travailler d’une part sur les aspects culturels des intelligences et d’autre part d’explorer le leadership dans des cultures très différentes (orientales et occidentales). Les formulations d’H. Gardner nous ont également incités à nous plonger dans la connaissance de soi et des autres, et notamment dans le processus d’individuation, en repartant des travaux de Carl Jung. 


INTELLIGENCES ET LANGAGES 

Dans nos travaux sur le leadership, la manifestation de toutes ces intelligences s’est peu à peu révélée comme une composante essentielle de notre prisme d’expression. Nous avons pris le parti de traiter les Intelligences Linguistiques, Musicales, Spatiales comme une famille d’aptitudes à des expressions verbalisées. Le sens de verbalisation est surtout la capacité à exprimer ses impressions, ses convictions et ses croyances à autrui ; une sorte de tronc commun ancestral sur lequel une certaine famille d’Intelligences peut s’exprimer et se développer – notamment l’Intelligence Analytique.
Un autre parti pris a été de faire la même démarche en traitant l’empathie comme un autre langage ancestral non verbalisé qui sous-tend l’expression de l’Intelligence Émotionnelle définie par D. Goleman.


Notre modèle d’intelligences multiples, ainsi que son application au leadership, reposent donc sur deux langages ancestraux : 
  • Le premier, verbalisé, utilise les symboles comme les mots, chiffres et autres représentations multidimensionnelles dans l’espace, pour permettre d’exprimer deux familles d’intelligences : analytiques et pratiques (ou expérimentales).
  • Le second, non verbalisé, correspond à l’empathie mise en évidence par les neurosciences et qui permet d’exprimer deux autres familles d’intelligences : émotionnelles et sociales (ou sensibles).

Et l’émergence de ce spectre d’intelligences multiples – clé de la formulation ou de l’expression de son leadership au travers de postures – permet de faire le lien entre deux concepts qui nous semblent encapsuler le leadership en action : 
  • La compréhension du prisme de traduction de nos convictions en postures observables de leadership (voir notre article sur les roues de la posture); 
  • La pertinence du leadership de chaque leader en écho de son individuation professionnelle (objet de la suite de cet article). 

La seconde partie de cet article détaillera un peu plus ces familles d’intelligences en action.



Auteurs : Patrick Buffet & Xavier Baudard
 

lundi 9 mars 2015

L’EMPATHIE EN ENTREPRISE : FAIBLESSE OU FORMIDABLE POTENTIEL DU LEADER ?



Au fil des ans, différentes formes d’intelligence ont été reconnues et validées par les psychologues et les neuroscientifiques.
Après l’intelligence analytique qui a fait la gloire du fameux QI, et après l’intelligence pratique, qui a permis de comprendre tout le talent des artisans ou tous les savoir-faire issus de l’expérience, c’est maintenant à l’intelligence émotionnelle d’être sur le devant de la scène.
Elle est en effet très à la mode dans les grands groupes anglo-saxons grâce au travail exhaustif de Daniel Goleman qui a médiatisé la pensée de David Mc Clelland et est devenu le pionnier de la définition du cerveau émotionnel.
Pour reprendre, en la déformant, une parabole de Gandhi : « L’intelligence (analytique) rapproche les solutions des problèmes, l’(intelligence) émotionnelle déplace les montagnes ». Donc pas étonnant que les chercheurs en neurosciences qui ont mis en évidence les neurones « miroirs » comme véhicule de ce langage non verbalisé qu’est l’empathie les aient surnommés les « neurones Gandhi ».

Avons-nous effectivement deux cerveaux, comme le laisseraient supposer certaines observations sur la préséance de l’amygdale cérébrale sur le cortex dans certaines réactions émotionnellement fortes ? Avons-nous un cerveau analytique (et pratique) coexistant avec un cerveau émotionnel, ce dernier stockant dans un inconscient collectif ou individuel les langages réflexes hérités de la survie dans les sociétés primitives d’une part (comme la peur), et la prégnance de souvenirs émotionnels prêts à ressurgir ?



 
L’empathie 

Explorons quelque peu ce langage primitif qu’est l’empathie, dénominateur commun de nos intelligences émotionnelles et sociales.
L’empathie reste un sujet de débat entre les tenants d’une capacité qui peut se mesurer et les tenants d’un langage hérité des sociétés primitives – notre préférence, tant elle nous semble influencer la capacité des dirigeants à enrôler leurs équipes.

Au travers des mécanismes de l’empathie, de manière théorique, et ensuite avec le support récent des neurosciences de chercheurs tels que Giacomo Rizzolatti, nous pouvons deviner le rôle des formes de langages de l’empathie dans les postures du dirigeant. Ce langage intervient dans un premier temps dans l’émergence et dans la maîtrise de son intelligence émotionnelle, avant de se généraliser dans son intelligence sociale.

L’empathie est une langue très ancienne – donc non verbalisée - enfouie dans notre subconscient collectif. Elle nous permet principalement d’apprendre des autres et de se faire une représentation plus ou moins fiable de ce qu’ils pensent et ressentent.
S’appuyant sur les travaux de Theodor Lipps et de chercheurs anthropologues, Jean-Claude Almeisen propose une excellente « démocratisation » de l’empathie « scientifique ».

Le premier niveau du langage d’empathie (observable chez les animaux) est la capacité à interpréter un état émotionnel ou physique de l’autre en observant son corps.

Le second niveau (observable chez certains mammifères et héritage de la relation mère-enfant) est l’envie d’aider, qui se traduit dans des postures observables. C’est le passage classique de l’empathie à la sympathie.

Le troisième niveau (observable chez les primates et les humains) est la construction mentale de savoir comment aider l’autre en se représentant la situation de l’autre d’une manière pertinente, et en sachant articuler des solutions sur la base de ses propres analogies et inférences. C’est cette dimension qui nous permet probablement de développer un très bon jugement sur les autres.

La combinaison de ces trois niveaux de langage nous ouvre une fenêtre sur l’image des perceptions et des intentions des autres. 


Pas de confiance à l’intérieur de l’entreprise sans empathie 

En se référant à notre article sur la confiance (La Confiance en Entreprise, une Affaire de Leadership), 2 des 4 conditions de l’émergence durable de la confiance en entreprise sont assujetties à la pratique de l’empathie :
  • Avoir le sentiment, le ressenti, d’avoir été entendu et compris
  • Travailler dans un climat social serein (et challengeant), propice à la collaboration (pour la réussite de l’entreprise) 
La capacité à suivre un leader est intimement liée à nos perceptions de la confiance que nous inspire ce leader. Il n’est pas envisageable de suivre un leader, de prendre des risques, de libérer toute son énergie, sans un minimum de confiance en son leader. De son côté, un leader ne pourra conceptualiser et « sentir » cette confiance sans faire appel à son langage empathique ou faire appel à ce qu’Howard Gardner appelle son intelligence intra-personnelle.

Un leader qui a su développer sa pratique de l’empathie démontre deux familles de postures très reconnaissables :
  • Une capacité hors pair à donner un retour sincère et profond (positif et négatif), donc de développer des leaders exceptionnels autour de lui 
  •  Une valorisation de la diversité en général qui lui permet de « voir » les choses du point de vue de l’autre, de promouvoir la coopération et la prise de risque

L’empathie n’est jamais un aveu de faiblesse, mais un levier de surperformance extraordinaire 

La capacité d’un dirigeant à maîtriser son langage empathique ne s’improvise pas. C’est avant tout de la pratique. Mais, une fois maîtrisée, quelle force !
La sérénité dégagée, l’engagement suscité, le climat de confiance développé sont les résultantes de notre empathie dans la pratique de notre intelligence émotionnelle.
L’influence que nous avons sur des équipes, notre sensibilité à capter les non-dits ou des risques non identifiés, et aussi bien sûr notre facilité à créer des collaborations, ce sont également des résultantes de notre empathie dans la pratique de notre intelligence sociale.

Travailler son empathie, et donc son intelligence émotionnelle, est indispensable pour tout leader s’il veut pouvoir jouer sur toutes les dimensions du leadership. Et d’autant plus de nos jours, avec les nouvelles générations. Comment réussir pour le bien-être de tous (hommes et entreprises) sans une forte dose d’empathie ? « Essayez l’autorité ! » seraient tentés de dire certains, se référant à d’archaïques schémas…



Auteurs : Patrick Buffet & Xavier Baudard