jeudi 6 mars 2014

EMPLOYEE FIRST OR CUSTOMER FIRST ? (Employés d’abord, ou clients d’abord ?)



                Le succès de Vineet Nayar avec son livre “Employee First, Customer Second » interpelle. Le formidable succès de Vineet avec son entreprise HCLT est une réalité et une belle preuve par l’exemple. Est-ce une raison de faire de son cas particulier, une généralité ? Difficile de répondre. Ce qui est sûr, Vineet nous embarque sur un chemin en rupture avec les canons habituels sans nous donner de leçons et sans arrogance. Il nous donne des clés, à nous de décider ce que nous voulons en faire.
                Vineet Nayar nous force à déplacer le centre de gravité du débat traditionnel sur le bien-fondé des priorités managériales. Ces priorités sont souvent pilotées par les actionnaires des entreprises cotées, où la rémunération des dirigeants est arcboutée sur l’évolution de critères d’investissement (valeur de l’action par rapport à des paniers comparables), souvent au détriment de considérations clients. Après avoir eu le « customer first », puis la priorité donnée aux actionnaires, le débat se déplace maintenant vers les employés et c’est une excellente chose. Vineet nous engage sur un chemin rajeunissant : un triptyque employés, clients et investisseurs où l’innovation et le progrès (par opposition à la croissance) ne peuvent plus être sacrifiés comme ils le sont régulièrement sur des bases d’indicateurs de rendements à court-terme.

LA METHODE DE VINEET NAYAR
En risquant d’être réducteur, il y a trois phases de l’approche de Vineet Nayar que l’on retrouve dans l’approche que nous pratiquons avec la méthode de leadership Aragorn :
  • Un modèle de leadership proche du Leader « Level V » de Jim Collins
  • Une évolution de l’entreprise bâtie avec ses membres, issus de toutes les couches hiérarchiques
  • L’appropriation par tous des changements vécus par l’entreprise

 1) Le dirigeant doit se remettre en question et entamer une réflexion sur soi-même et sur ce qu’il souhaite pour le devenir de l’entreprise. C’est un vrai concentré de leadership selon les 6 dimensions du modèle Aragorn :
  • J’expose mes convictions avec sérénité
  • J’ai une piste pour la trajectoire de mon entreprise : formulée en interne et pilotée par le dirigeant
  • Je gère intelligemment le rythme de progression rapide de mon entreprise (rapide : sans précipitation, ni trop lentement)
  • Je communique avec beaucoup d’authenticité (transparence, cohérence entre le discours et les actes)
  • J’encourage la contradiction (climat de confiance)
  • Je transmets de l’énergie à l’entreprise, pas des ordres
 
2) Seulement si le désir de changement est là, le dirigeant doit créer un climat de confiance parmi les employés pour que la transformation débute. Notre conviction est que le travail de la trajectoire et de la gestion du changement est un travail à faire par les dirigeants et les employés. 

C’est l’essence de l’approche de la méthode de projection stratégique Gandalf, largement utilisée par les coachs Visconti. On ne peut pas prédire le futur, alors imaginons-le et construisons-le ensemble ; bâtissons un rêve et une trajectoire crédible pour l’atteindre. Pas de plan hyper-précis et contraignant, mais une ambition… une trajectoire.
Une étude récente montrait que les décisions de conseillers en placement se trompaient à 56 % ; autant lancer une pièce et le résultat sera statistiquement meilleur. Mais voilà, notre inconscient collectif aime se raccrocher à des archétypes : la sagesse des conseillers extérieurs qui sont forcément plus « sachant » que les forces de l’entreprise au contact du marché en permanence. La signature d’un conseil extérieur a presque toujours plus de poids que les intelligences internes à l’entreprise.
Ce tropisme a vécu, et Vineet l’a très bien transcendé.


3) Finalement construire une structure du changement en inversant la pyramide organisationnelle. Un concept souvent promu dans les entreprises, mais rarement appliqué ; en tout cas pas aussi loin que Vineet l’a fait chez HCLT

Depuis les années 90, des slogans ont fleuri dans le monde de la conduite des entreprises, par exemple :
  • Les mauvaises nouvelles doivent aller très vite vers le sommet de la hiérarchie – confiance et transparence en minimisant les risques inhérents de la délégation vers le haut
  • La créativité se développe toujours “aux extrémités de l’organigramme” (là où les gens interagissent avec le monde extérieur), jamais au centre, ni au sommet de la hiérarchie sous prétexte des « galons »

La méthode de Vineet facilite l’exécution opérationnelle de telles maximes. Si les changements structurels se pilotent bien avec des techniques élaborées de conduite de projet, le contenu et le rythme de ces changements nécessite l’appropriation de tous les employés. Les changements les plus durables sont souvent ceux qui se développent en mode adaptatif, en évolution tout au long de leur application rapide. La simplification des organisations pour les mettre au service des employés et des clients est indispensable. 
Néanmoins, si l’inversion de la pyramide organisationnelle est attractive, sa mise en œuvre s’avère souvent très délicate. Le pivot de cette organisation se faisant au niveau des structures de management intermédiaire, ce sont donc encore elles qui « souffrent ». Or, n’oubliez pas que ce sont elles qui font tourner l’entreprise.


UN BON COCKTAIL CONFIANCE & CHANGEMENT
Dans le contexte de la méthode Aragorn, nous publierons prochainement un papier sur les 4 formes d’intelligence. En particulier, nous y décrirons – sur la base des travaux de D. Goleman – comment l’utilisation de son intelligence sociale favorise la création d’un climat de confiance.
Le point de vue de Vineet est intéressant et pertinent sur ce sujet
  • Mettre en œuvre les conditions de la transparence : libre circulation de l’information. La transparence devient ainsi outil de motivation, d’implication et favorise l’acceptation du changement.
  • Favoriser le changement : bien maîtriser la cartographie de son entreprise : réfractaires, neutres ou volontaires. Appliquer des méthodes génération Y : libre accès, désacralisation du leader et dématérialisation des contraintes de groupe (faire sauter les bouchons informationnels).
Dans notre étude, nous démontrons que le dirigeant doit retrouver ses forces d’intelligences sociale et émotionnelle qu’il a laissées de côté sur son chemin professionnel.
  • Se remettre en cause : avec l’humilité du leader « Level V », interroger ses propres employés à tous les niveaux (un 360° à 20 000 entrées) – mettre les bonnes personnes aux commandes, pas nos amis et partenaires de toujours, pas celui qui a bien parlé en dernier, mais les meilleurs. 


PAR OU COMMENCER ?
                Le chemin sur l’axe « les employés d’abord » peut très bien se faire en appliquant la méthode de Vineet Nayar : 4 étapes de réflexion, d’engagement et d’action.


1) Regarder dans le miroir, point de départ et point d’arrivée
     Pour toute trajectoire, les points de départ et d’arrivée doivent être les moins ambigus possible. La proposition de Vineet est pertinente dans l’expression d’un constat partagé, et d’une ambition (le rêve Gandalf). Le chemin entre les deux points doit se construire, se valider au quotidien et s’autocorriger en fonction des évènements rencontrés.


2) Favoriser les conditions pour l’émergence d’une vraie confiance
     On ne crée pas la confiance, on crée les conditions pour qu’elle se développe et s’instaure. Ce sont les postures de leadership du PDG en premier, et ensuite celles des cadres intermédiaires qui vont conditionner la confiance. L’habitude de « jeter » quelques initiatives dans l’arène de l’entreprise, a très peu de chances d’aboutir aux résultats escomptés. L’expression de leadership du PDG, la manière de diriger de l’ensemble des cadres intermédiaires sont les clés de la réussite. Laissez les employés créer, et formez vos managers à se transformer.


3) Renverser la pyramide
     C’est un exercice qui est loin d’être évident à mettre en place. N’ayez pas peur de tâtonner et de faire des erreurs, car la récompense est énorme. Vous devez trouver un équilibre entre deux mondes a priori peu compatibles : le court terme (délégation des objectifs et engagements de réussite conduits par une hiérarchie organisationnelle) et le moyen terme (mettre les managers au service des employés pour libérer les énergies et les idées). Notre travail avec Aragorn est d’affûter votre leadership pour réussir ce challenge.


4) Distribuer la conduite du changement
     La trajectoire entre votre point de départ et votre destination donne un champ large de possibilités. Pour être efficace sans brider la créativité et sans tiédir les énergies des employés, ne lancer pas trop de « grandes routes », pas trop d’initiatives ou de projets stratégiques ; de plus, assurez-vous que ces grand axes soient suffisamment simples pour être suivis, et que leurs contenus soient suffisamment souples pour donner de la place aux initiatives venant des extrémités de l’organisation aux contacts des clients et du marché.  
     En d’autres termes : en tant que dirigeant, vous savez que votre point d’arrivée (le rêve désirable de Gandalf) n’est qu’une hypothèse et que le dirigeant doit sans cesse être à l’écoute de tous les éléments internes et externes qui valident ou invalident le rêve, pour ensuite ajuster les trajectoires internes du changement. Une forme de Leadership assez révolutionnaire à développer aux côtés des contraintes à court terme.


                En conclusion, la focalisation sur les employés de Vineet Nayar est pertinente, sa méthode convaincante. Et elle a l’immense mérite de mettre l’accent sur ce qui fait le cœur de l’entreprise : ses employés.
Mais signifie-t-elle que l’ancien leitmotiv « customer first » est obsolète, tout comme la priorité récente donnée aux actionnaires ? Nous ne le pensons pas. Un questionnement et une écoute différente des clients sont un complément absolument nécessaire. Tout comme avec les actionnaires. Ce triptyque investisseurs-employés-clients constitue la base isostatique et donc stable de l’entreprise, celle sur laquelle le dirigeant doit s’appuyer et peut assoir son leadership. Ces axes permettront de faire converger de nouvelles formes de leadership pour le dirigeant, et des postures appropriées aux enjeux, l’ensemble donnant à tous une pertinence accrue du projet d’entreprise auprès des investisseurs.



Auteurs : Patrick Buffet et Xavier Baudard

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