vendredi 28 mars 2014

LEADERSHIP : DE NOS CONVICTIONS A LEURS CONSEQUENCES, L'ENGRENAGE DES POSTURES



Tout être humain a ses propres croyances et convictions issues de son histoire, de son vécu.
Ces convictions sont plus ou moins exprimées, et de façon plus ou moins conscientes.  Par exemple :
  • Si j’ai tendance à ne croire que ce que je vois, je vais systématiquement demander apport de preuves dès que je ne suis pas convaincu par une proposition.
  • Si je fais naturellement confiance aux experts - puisqu’ils sont les meilleurs de leur domaine, je vais m’appuyer aisément leurs conclusions et recommandations.
  • Si je suis d’un naturel guère optimiste, j’aurais tendance à voir davantage le manque d’eau dans le verre, et à le faire remarquer, au risque d’être perçu comme souvent négatif.

Nos convictions et nos croyances transparaissent donc au travers de nos comportements , de nos postures, dès lors que nous sommes en interaction sociale.
Certaines postures sont conscientes et assumées (je suis un leader, je n’hésite donc pas à me mettre en avant et à dire ce que je pense), d’autres sont inconscientes (croisement des bras en réunion en phase d’ennui, etc.).
Et, évidemment, comme l’on est en interaction avec son environnement social, les transformations de mes convictions en postures, telles des réactions chimiques, auront des résultats plus ou moins attendus ou voulus.
Ainsi, croiser ses bras en réunion sera interprété par certains comme un signe de fermeture, voire d’ennui, quand d’autres n’y verront qu’une pose du corps comme une autre.
Autre exemple : lors d’une convention avec ses cadres, le dirigeant de l’entreprise fait un « show à l’américaine ». Une partie de l’assemblée ressort de là gonflée à bloc, pleine d’énergie. D’autres ont trouvé que cela manquait de sincérité, qu’on masquait la réalité sous les paillettes, et ont donc nettement moins adhéré au discours. Chacun(e) a pourtant assisté au même évènement, mais a interprété différemment les postures de son dirigeant.

La roue des postures

Et c’est là que se met en route « l’engrenage des postures » : notre propre « roue des postures » (nos convictions influent nos postures, ce qui engendre des résultats venant alimenter nos convictions) engrène avec celle d’autres personnes.
Ainsi, les postures du dirigeant sont analysées au regard des convictions et croyances de ses N-1, qui eux-mêmes vont prendre des postures au regard de leurs croyances, donc différentes, postures qui seront interprétées par leurs N-1 également, suivant les mêmes principes. Et ainsi de suite sur toute l’échelle hiérarchique de l’entreprise.
Quant au dirigeant, il voit les conséquences des postures prises par chacun dans l’entreprise, ce qui vient confirmer ou modifier ses propres convictions, donc ses postures, donc ses résultats.
Et la cascade d’engrènements continue à l’infini…

L'engrenage des postures

Une des difficultés en leadership est donc d’avoir le meilleur accord entre ses convictions et ses postures, afin d’avoir le moins de possibilités d’interprétations par des tiers. Car qui dit interprétations différentes dit potentiellement doutes.  Soit doutes sur la sincérité des messages transmis, donc sur la personne en tant que leader dans le pire des cas.  Soit doutes sur la décision et sa vraie mise en application dans un futur proche.  Et dans ce cas, c’est l’efficacité du dirigeant et de son entreprise qui est mise en péril.

Le véritable leader doit être semblable au cristal : ses postures doivent clairement refléter ses convictions, sans ambiguïté. Ensuite, on n’adhère ou pas à l’image renvoyée, mais ceux qui suivent sciemment ce leader ne sont pas trompés ; ils savent qui ils suivent et pourquoi.
Et autant en management l’adaptation des postures et du comportement d’un manager en fonction de la situation et du collaborateur peut être une force, autant en leadership cette attitude peut être néfaste. Le leader pas manager ou le manager pas leader, ça vous dit quelque chose ?


Auteurs : Xavier Baudard & Patrick Buffet

jeudi 6 mars 2014

EMPLOYEE FIRST OR CUSTOMER FIRST ? (Employés d’abord, ou clients d’abord ?)



                Le succès de Vineet Nayar avec son livre “Employee First, Customer Second » interpelle. Le formidable succès de Vineet avec son entreprise HCLT est une réalité et une belle preuve par l’exemple. Est-ce une raison de faire de son cas particulier, une généralité ? Difficile de répondre. Ce qui est sûr, Vineet nous embarque sur un chemin en rupture avec les canons habituels sans nous donner de leçons et sans arrogance. Il nous donne des clés, à nous de décider ce que nous voulons en faire.
                Vineet Nayar nous force à déplacer le centre de gravité du débat traditionnel sur le bien-fondé des priorités managériales. Ces priorités sont souvent pilotées par les actionnaires des entreprises cotées, où la rémunération des dirigeants est arcboutée sur l’évolution de critères d’investissement (valeur de l’action par rapport à des paniers comparables), souvent au détriment de considérations clients. Après avoir eu le « customer first », puis la priorité donnée aux actionnaires, le débat se déplace maintenant vers les employés et c’est une excellente chose. Vineet nous engage sur un chemin rajeunissant : un triptyque employés, clients et investisseurs où l’innovation et le progrès (par opposition à la croissance) ne peuvent plus être sacrifiés comme ils le sont régulièrement sur des bases d’indicateurs de rendements à court-terme.

LA METHODE DE VINEET NAYAR
En risquant d’être réducteur, il y a trois phases de l’approche de Vineet Nayar que l’on retrouve dans l’approche que nous pratiquons avec la méthode de leadership Aragorn :
  • Un modèle de leadership proche du Leader « Level V » de Jim Collins
  • Une évolution de l’entreprise bâtie avec ses membres, issus de toutes les couches hiérarchiques
  • L’appropriation par tous des changements vécus par l’entreprise

 1) Le dirigeant doit se remettre en question et entamer une réflexion sur soi-même et sur ce qu’il souhaite pour le devenir de l’entreprise. C’est un vrai concentré de leadership selon les 6 dimensions du modèle Aragorn :
  • J’expose mes convictions avec sérénité
  • J’ai une piste pour la trajectoire de mon entreprise : formulée en interne et pilotée par le dirigeant
  • Je gère intelligemment le rythme de progression rapide de mon entreprise (rapide : sans précipitation, ni trop lentement)
  • Je communique avec beaucoup d’authenticité (transparence, cohérence entre le discours et les actes)
  • J’encourage la contradiction (climat de confiance)
  • Je transmets de l’énergie à l’entreprise, pas des ordres
 
2) Seulement si le désir de changement est là, le dirigeant doit créer un climat de confiance parmi les employés pour que la transformation débute. Notre conviction est que le travail de la trajectoire et de la gestion du changement est un travail à faire par les dirigeants et les employés. 

C’est l’essence de l’approche de la méthode de projection stratégique Gandalf, largement utilisée par les coachs Visconti. On ne peut pas prédire le futur, alors imaginons-le et construisons-le ensemble ; bâtissons un rêve et une trajectoire crédible pour l’atteindre. Pas de plan hyper-précis et contraignant, mais une ambition… une trajectoire.
Une étude récente montrait que les décisions de conseillers en placement se trompaient à 56 % ; autant lancer une pièce et le résultat sera statistiquement meilleur. Mais voilà, notre inconscient collectif aime se raccrocher à des archétypes : la sagesse des conseillers extérieurs qui sont forcément plus « sachant » que les forces de l’entreprise au contact du marché en permanence. La signature d’un conseil extérieur a presque toujours plus de poids que les intelligences internes à l’entreprise.
Ce tropisme a vécu, et Vineet l’a très bien transcendé.


3) Finalement construire une structure du changement en inversant la pyramide organisationnelle. Un concept souvent promu dans les entreprises, mais rarement appliqué ; en tout cas pas aussi loin que Vineet l’a fait chez HCLT

Depuis les années 90, des slogans ont fleuri dans le monde de la conduite des entreprises, par exemple :
  • Les mauvaises nouvelles doivent aller très vite vers le sommet de la hiérarchie – confiance et transparence en minimisant les risques inhérents de la délégation vers le haut
  • La créativité se développe toujours “aux extrémités de l’organigramme” (là où les gens interagissent avec le monde extérieur), jamais au centre, ni au sommet de la hiérarchie sous prétexte des « galons »

La méthode de Vineet facilite l’exécution opérationnelle de telles maximes. Si les changements structurels se pilotent bien avec des techniques élaborées de conduite de projet, le contenu et le rythme de ces changements nécessite l’appropriation de tous les employés. Les changements les plus durables sont souvent ceux qui se développent en mode adaptatif, en évolution tout au long de leur application rapide. La simplification des organisations pour les mettre au service des employés et des clients est indispensable. 
Néanmoins, si l’inversion de la pyramide organisationnelle est attractive, sa mise en œuvre s’avère souvent très délicate. Le pivot de cette organisation se faisant au niveau des structures de management intermédiaire, ce sont donc encore elles qui « souffrent ». Or, n’oubliez pas que ce sont elles qui font tourner l’entreprise.


UN BON COCKTAIL CONFIANCE & CHANGEMENT
Dans le contexte de la méthode Aragorn, nous publierons prochainement un papier sur les 4 formes d’intelligence. En particulier, nous y décrirons – sur la base des travaux de D. Goleman – comment l’utilisation de son intelligence sociale favorise la création d’un climat de confiance.
Le point de vue de Vineet est intéressant et pertinent sur ce sujet
  • Mettre en œuvre les conditions de la transparence : libre circulation de l’information. La transparence devient ainsi outil de motivation, d’implication et favorise l’acceptation du changement.
  • Favoriser le changement : bien maîtriser la cartographie de son entreprise : réfractaires, neutres ou volontaires. Appliquer des méthodes génération Y : libre accès, désacralisation du leader et dématérialisation des contraintes de groupe (faire sauter les bouchons informationnels).
Dans notre étude, nous démontrons que le dirigeant doit retrouver ses forces d’intelligences sociale et émotionnelle qu’il a laissées de côté sur son chemin professionnel.
  • Se remettre en cause : avec l’humilité du leader « Level V », interroger ses propres employés à tous les niveaux (un 360° à 20 000 entrées) – mettre les bonnes personnes aux commandes, pas nos amis et partenaires de toujours, pas celui qui a bien parlé en dernier, mais les meilleurs. 


PAR OU COMMENCER ?
                Le chemin sur l’axe « les employés d’abord » peut très bien se faire en appliquant la méthode de Vineet Nayar : 4 étapes de réflexion, d’engagement et d’action.


1) Regarder dans le miroir, point de départ et point d’arrivée
     Pour toute trajectoire, les points de départ et d’arrivée doivent être les moins ambigus possible. La proposition de Vineet est pertinente dans l’expression d’un constat partagé, et d’une ambition (le rêve Gandalf). Le chemin entre les deux points doit se construire, se valider au quotidien et s’autocorriger en fonction des évènements rencontrés.


2) Favoriser les conditions pour l’émergence d’une vraie confiance
     On ne crée pas la confiance, on crée les conditions pour qu’elle se développe et s’instaure. Ce sont les postures de leadership du PDG en premier, et ensuite celles des cadres intermédiaires qui vont conditionner la confiance. L’habitude de « jeter » quelques initiatives dans l’arène de l’entreprise, a très peu de chances d’aboutir aux résultats escomptés. L’expression de leadership du PDG, la manière de diriger de l’ensemble des cadres intermédiaires sont les clés de la réussite. Laissez les employés créer, et formez vos managers à se transformer.


3) Renverser la pyramide
     C’est un exercice qui est loin d’être évident à mettre en place. N’ayez pas peur de tâtonner et de faire des erreurs, car la récompense est énorme. Vous devez trouver un équilibre entre deux mondes a priori peu compatibles : le court terme (délégation des objectifs et engagements de réussite conduits par une hiérarchie organisationnelle) et le moyen terme (mettre les managers au service des employés pour libérer les énergies et les idées). Notre travail avec Aragorn est d’affûter votre leadership pour réussir ce challenge.


4) Distribuer la conduite du changement
     La trajectoire entre votre point de départ et votre destination donne un champ large de possibilités. Pour être efficace sans brider la créativité et sans tiédir les énergies des employés, ne lancer pas trop de « grandes routes », pas trop d’initiatives ou de projets stratégiques ; de plus, assurez-vous que ces grand axes soient suffisamment simples pour être suivis, et que leurs contenus soient suffisamment souples pour donner de la place aux initiatives venant des extrémités de l’organisation aux contacts des clients et du marché.  
     En d’autres termes : en tant que dirigeant, vous savez que votre point d’arrivée (le rêve désirable de Gandalf) n’est qu’une hypothèse et que le dirigeant doit sans cesse être à l’écoute de tous les éléments internes et externes qui valident ou invalident le rêve, pour ensuite ajuster les trajectoires internes du changement. Une forme de Leadership assez révolutionnaire à développer aux côtés des contraintes à court terme.


                En conclusion, la focalisation sur les employés de Vineet Nayar est pertinente, sa méthode convaincante. Et elle a l’immense mérite de mettre l’accent sur ce qui fait le cœur de l’entreprise : ses employés.
Mais signifie-t-elle que l’ancien leitmotiv « customer first » est obsolète, tout comme la priorité récente donnée aux actionnaires ? Nous ne le pensons pas. Un questionnement et une écoute différente des clients sont un complément absolument nécessaire. Tout comme avec les actionnaires. Ce triptyque investisseurs-employés-clients constitue la base isostatique et donc stable de l’entreprise, celle sur laquelle le dirigeant doit s’appuyer et peut assoir son leadership. Ces axes permettront de faire converger de nouvelles formes de leadership pour le dirigeant, et des postures appropriées aux enjeux, l’ensemble donnant à tous une pertinence accrue du projet d’entreprise auprès des investisseurs.



Auteurs : Patrick Buffet et Xavier Baudard