vendredi 10 février 2017

STOP AU GACHIS ! DE LA NECESSITE DE CHANGER DE PARADIGME ET DE REPENSER L'APPRENTISSAGE DU LEADERSHIP EN ENTREPRISE


En matière de leadership, nous avons besoin de changer de paradigme ; de la même manière que nos entreprises se transforment dans une économie passionnante mais chahutée, l’approche classique du leadership en entreprise doit évoluer.

La sortie de la Seconde Guerre Mondiale puis les Trente Glorieuses ont tiré l’économie des entreprises comme jamais. Jamais une telle phase de dynamisme et de croissance des entreprises n’avait été constatée dans l’histoire de l’humanité sur un temps aussi court.
Et bien que le monde ait continuellement accéléré dans cette période, être un leader exceptionnel n’était pas impératif pour avoir une entreprise en réussite.
Dès lors que l’accélération (du temps et des changements) a continué à progresser rapidement et que le monde s’est globalisé, la compétition est devenue plus acharnée. Les entreprises ont dû être de plus en plus performantes pour pouvoir survivre. La nécessité d’avoir à leur tête des dirigeants de plus en plus aguerris et exceptionnels est peu à peu devenu primordial. Or, impossible d’être un tel dirigeant exceptionnel sans réelles compétences en leadership. Et comme le leadership n’est pas inné, il doit se travailler.

Mais il existe un désenchantement grandissant sur l’utilité des modèles de leadership figés des cinquante dernières années. Ces modèles, créés par des spécialistes du développement, aux US comme en Europe, correspondaient à des contextes codifiés et à des outils devenus obsolètes. Ils ont néanmoins une longévité surprenante et servent encore de base à de nombreux programmes de développement du leadership.
Aujourd’hui, nombreux sont les dirigeants qui se plaignent des formations labellisées « Leadership », très coûteuses et trop peu efficaces tant les biais cognitifs des outils qui les sous-tendent rendent l’exercice artificiel, au mieux, voire souvent inutile. 


Une étude menée par Michael Beer, professeur à Harvard, et relatée dans la Harvard Business Review fait le constat qu’au regard des sommes investies (plusieurs centaines de millions d’euros par an), les formations au leadership et à la conduite du changement n’apportent pas grand-chose en terme de retour sur investissement.
Ce qui ressort en synthèse de cette étude, c’est que les formations faites n’ont pas apporté les résultats escomptés, car il n’y a pas eu de réel changement de l’organisation et des façons de faire par les directions d’entreprises (reproduction des schémas ayant permis d’avancer jusqu’à présent, sans remise en cause de soi). En somme, les systèmes ont été plus forts que les individus. Et les rares fois où de réels changements ont eu lieu, ce fut dans des entreprises où les patrons se sont eux-mêmes formés et transformés par la suite, impulsant ainsi la mutation de leurs équipes.
Dans leur analyse, Michael Beer et son équipe relèvent 6 barrières à ces évolutions salutaires :
  1. Un manque de définition claire des valeurs et de la direction stratégique envisagée pour l’entreprise
  2. Les membres de la direction générale qui ne travaillent pas en équipe et ne sont pas prêts à changer de comportement
  3. Une mauvaise capacité du dirigeant à faire remonter les problèmes, souvent par laisser-faire (ne pas confondre laisser-faire et autonomie !)
  4. Un manque de coordination entre les fonctions, pays, etc., dû à une mauvaise organisation
  5. Une mauvaise gestion des talents
  6. Une peur des collaborateurs d’exprimer à leurs directions les déficiences organisationnelles 
Essentiellement des situations de leadership ! 

La non réussite de ces formations de leadership est également due au fait que pendant longtemps on a cru (par méconnaissance ? par facilité ?) que le management et le leadership étaient suffisamment proches pour faire des formations leadership calquées (notamment dans leurs formes) sur celles de management. Or l’apprentissage du management est en grande partie une maîtrise d’outils et de savoir-faire, alors que celui du leadership implique une bonne connaissance de soi et la maîtrise de mécanismes plus complexes, car moins facilement modélisables. L’apprentissage du leadership doit donc s’inscrire dans une durée qui n’est pas toujours compatible avec un format de formation aisément vendable.
De plus, tout comme les articles sur le leadership dans la presse, la majeure partie des formations s’arrêtent à l’individu leader, à sa performance individuelle (être devant, avoir une vision, emmener ses troupes). Or être un leader implique d’avoir des suiveurs, et donc induit des dimensions collectives, donc plus complexes et plus difficiles à mettre en œuvre.

L’apprentissage du leadership en entreprise doit donc être repensé en prenant en compte les éléments fondamentaux suivants : 
  • Il doit s’inscrire dans une dynamique temporelle de moyen terme, long terme, donc s’adresser aussi à des personnes qui ne sont pas encore à des postes de leadership (on ne naît pas leader, on le devient), de façon à les préparer à leur futur 
  • Il doit être multiforme : sensibilisations (conférences, lectures, etc.), formations, accompagnements individuels ou collectifs 
  • Il doit s’appuyer sur des modèles de leadership incluant des dimensions individuelles et collectives, l’utilisation des intelligences multiples (cf. articles sur les intelligences multiples), l’importance de l’alignement convictions et postures (le leadership est avant tout une question de postures – cf. l’article sur la roue des postures)

Et c’est dans le contexte d’une économie passionnante mais chahutée que les bons dirigeants doivent développer leur plein potentiel de Leadership et soigner les aspérités de leurs postures.

Le monde de l’entreprise et de léconomie changent, ses acteurs aussi avec les nouvelles générations :
  • Digitalisation extrême depuis les outils digitaux à la réputation digitale du dirigeant en passant par l’uberisation des systèmes 
  • Dynamisme organisationnel avec les méthodes agiles qui reconfigurent les organisations les plus innovantes 
  • Nouveau regard de l’entreprise sur elle-même avec le Lean Management et son cortège d’adaptations et de frugalité 
  • Besoin de visualiser des trajectoires à long terme dans un futur incertain par des projections dynamiques et ajustables qui permettent à l’entreprise de réviser ses hypothèses en temps quasi réel à l’échelle micro-économique

La sortie des structures archaïques et des modèles figés est donc en route. Le Leadership est clairement une des clés de la réussite de ce passage, de cette transformation.

Certains modèles de leadership ont heureusement puisé leurs racines en dehors des effets de mode et du monde du conseil et de la formation classique. Certains (tel Aragorn Leadership) ont été développés par des dirigeants d’entreprises avec le support de psychologues aguerris aux mondes de l’économie et de l’entreprise. Ces modèles, intemporels, savent faire abstraction des contextes et (parfois) des cultures – même si la coloration du leadership en Chine est différente de celle d’un dirigeant français, un bon modèle de leadership est affranchi de cette dimension culturelle. Ils reposent presque tous sur la compréhension des postures de leadership, en s’appuyant sur les intelligences multiples de chacun et sur l’expérience vécue de chaque dirigeant. On ne parle plus de modèles figés influencés par le contexte dans lequel se trouve le dirigeant. On parle d’un contexte en changement permanent qui façonne les postures désirables du leader, d’un dirigeant exceptionnel.

Il n’y a pas de leaders sans suiveurs. La clé de lecture des suiveurs sont les postures du leader : la traduction de ses convictions et croyances par le prisme de ses intelligences multiples.

Les pratiques de psychologie positive expérimentées par les dirigeants leur permettent de s’adapter aux changements générationnels, aux révolutions des fonctionnements et de traiter les anciennes menaces comme autant d’opportunités – il n’y a plus rien à perdre, surtout par le temps.
Depuis Howard Gardner, les intelligences multiples sont non seulement parfaitement acceptées mais aussi mises en évidence par les progrès des neurosciences. La preuve dans l’action : le travail formidable de Daniel Goleman, en particulier, sur les Intelligences Émotionnelles et leur déclinaison sur la mise en résonance des entreprises.

Il est parfois important de faire un « reboot » du cerveau du dirigeant sur les dimensions individuelles et collectives du leadership : 
  • Être un décideur convaincant, sérénité du dirigeant dans l’expression de ses convictions 
  • Être un stratège enthousiaste, visualisant des trajectoires ambitieuses mais adaptables 
  • Être un organisateur maître du jeu, gérant le rythme et le tempo de l’entreprise 
  • Savoir créer un environnement de confiance pour réussir des choses extraordinaires 
  • Savoir enrichir l’organisation pour mieux décider, agir et développer les talents
  • Savoir dynamiser les équipes, transformer le stress en énergie positive 
Le développement du leadership est un exercice solitaire, mais qui doit être maîtrisé et suivi dans le temps. La prise de conscience peut être collective, mais travailler sur ses intelligences et le rayonnement de ses propres postures sans les biais cognitifs de son entourage immédiat est la règle. C’est possible, parfois dérangeant, mais les résultats sont exceptionnels.





Auteurs : Xavier Baudard & Patrick Buffet