En matière de leadership, nous avons besoin de changer de paradigme ; de la même manière que nos entreprises se transforment dans une économie passionnante mais chahutée, l’approche classique du leadership en entreprise doit évoluer.
La
sortie de la Seconde Guerre Mondiale puis les Trente Glorieuses ont tiré
l’économie des entreprises comme jamais. Jamais une telle phase de dynamisme et
de croissance des entreprises n’avait été constatée dans l’histoire de
l’humanité sur un temps aussi court.
Et bien
que le monde ait continuellement accéléré dans cette période, être un leader
exceptionnel n’était pas impératif pour avoir une entreprise en réussite.
Dès
lors que l’accélération (du temps et des changements) a continué à progresser
rapidement et que le monde s’est globalisé, la compétition est devenue plus
acharnée. Les entreprises ont dû être de plus en plus performantes pour pouvoir
survivre. La nécessité d’avoir à leur tête des dirigeants de plus en plus
aguerris et exceptionnels est peu à peu devenu primordial. Or, impossible
d’être un tel dirigeant exceptionnel sans réelles compétences en leadership. Et
comme le leadership n’est pas inné, il doit se travailler.
Mais il
existe un désenchantement grandissant sur l’utilité des modèles de leadership
figés des cinquante dernières années. Ces modèles, créés par des spécialistes
du développement, aux US comme en Europe, correspondaient à des contextes
codifiés et à des outils devenus obsolètes. Ils ont néanmoins une longévité
surprenante et servent encore de base à de nombreux programmes de développement
du leadership.
Aujourd’hui,
nombreux sont les dirigeants qui se plaignent des formations labellisées « Leadership », très coûteuses et trop peu efficaces tant les biais cognitifs des outils qui les sous-tendent
rendent l’exercice artificiel, au mieux, voire souvent inutile.
Une
étude menée par Michael Beer, professeur à Harvard, et relatée
dans la Harvard Business Review fait le constat qu’au regard des sommes
investies (plusieurs centaines de millions d’euros par an), les formations au
leadership et à la conduite du changement n’apportent pas grand-chose en terme
de retour sur investissement.
Ce qui
ressort en synthèse de cette étude, c’est que les formations faites n’ont pas
apporté les résultats escomptés, car il n’y a pas eu de réel changement de
l’organisation et des façons de faire par les directions d’entreprises
(reproduction des schémas ayant permis d’avancer jusqu’à présent, sans remise
en cause de soi). En somme, les systèmes ont été plus forts que les individus.
Et les rares fois où de réels changements ont eu lieu, ce fut dans des
entreprises où les patrons se sont eux-mêmes formés et transformés par la
suite, impulsant ainsi la mutation de leurs équipes.
Dans
leur analyse, Michael Beer et son équipe relèvent 6 barrières à ces évolutions
salutaires :- Un manque de définition claire des valeurs et de la direction stratégique envisagée pour l’entreprise
- Les membres de la direction générale qui ne travaillent pas en équipe et ne sont pas prêts à changer de comportement
- Une mauvaise capacité du dirigeant à faire remonter les problèmes, souvent par laisser-faire (ne pas confondre laisser-faire et autonomie !)
- Un manque de coordination entre les fonctions, pays, etc., dû à une mauvaise organisation
- Une mauvaise gestion des talents
- Une peur des collaborateurs d’exprimer à leurs directions les déficiences organisationnelles
La non
réussite de ces formations de leadership est également due au fait que pendant
longtemps on a cru (par méconnaissance ? par
facilité ?) que
le management et le leadership étaient
suffisamment proches pour faire des formations leadership calquées (notamment
dans leurs formes) sur celles de management. Or l’apprentissage du management
est en grande partie une maîtrise d’outils et de savoir-faire, alors que celui
du leadership implique une bonne connaissance de soi et la maîtrise de
mécanismes plus complexes, car moins facilement modélisables. L’apprentissage
du leadership doit donc s’inscrire dans une durée qui n’est pas toujours
compatible avec un format de formation aisément vendable.
De
plus, tout comme les articles sur le leadership dans la presse, la majeure
partie des formations s’arrêtent à l’individu leader, à sa performance
individuelle (être devant, avoir une vision, emmener ses
troupes). Or être un leader implique d’avoir des suiveurs, et donc induit des
dimensions collectives, donc plus complexes et plus difficiles à mettre en
œuvre.
L’apprentissage
du leadership en entreprise doit donc être repensé en prenant en compte les
éléments fondamentaux suivants :
- Il doit s’inscrire dans une dynamique temporelle de moyen terme, long terme, donc s’adresser aussi à des personnes qui ne sont pas encore à des postes de leadership (on ne naît pas leader, on le devient), de façon à les préparer à leur futur
- Il doit être multiforme : sensibilisations (conférences, lectures, etc.), formations, accompagnements individuels ou collectifs
- Il doit s’appuyer sur des modèles de leadership incluant des dimensions individuelles et collectives, l’utilisation des intelligences multiples (cf. articles sur les intelligences multiples), l’importance de l’alignement convictions et postures (le leadership est avant tout une question de postures – cf. l’article sur la roue des postures)
Et c’est
dans le contexte d’une économie passionnante mais chahutée que les bons
dirigeants doivent développer leur plein potentiel de Leadership et soigner les
aspérités de leurs postures.
- Digitalisation extrême depuis les outils digitaux à la réputation digitale du dirigeant en passant par l’uberisation des systèmes
- Dynamisme organisationnel avec les méthodes agiles qui reconfigurent les organisations les plus innovantes
- Nouveau regard de l’entreprise sur elle-même avec le Lean Management et son cortège d’adaptations et de frugalité
- Besoin de visualiser des trajectoires à long terme dans un futur incertain par des projections dynamiques et ajustables qui permettent à l’entreprise de réviser ses hypothèses en temps quasi réel à l’échelle micro-économique
La sortie des structures archaïques et
des modèles figés est donc en route. Le Leadership est clairement une des clés
de la réussite de ce passage, de cette transformation.
Certains modèles de leadership ont
heureusement puisé leurs racines en dehors des effets de mode et du monde du
conseil et de la formation classique. Certains (tel Aragorn Leadership) ont été
développés par des dirigeants d’entreprises avec le support de psychologues
aguerris aux mondes de l’économie et de l’entreprise. Ces modèles, intemporels,
savent faire abstraction des contextes et (parfois) des cultures – même si la
coloration du leadership en Chine est différente de celle d’un dirigeant
français, un bon modèle de leadership est affranchi de cette dimension
culturelle. Ils reposent presque tous sur la compréhension des postures de
leadership, en s’appuyant sur les intelligences multiples de chacun et sur
l’expérience vécue de chaque dirigeant. On ne parle plus de modèles figés
influencés par le contexte dans lequel se trouve le dirigeant. On parle d’un
contexte en changement permanent qui façonne les postures désirables du leader,
d’un dirigeant exceptionnel.
Il n’y a pas de leaders sans suiveurs.
La clé de lecture des suiveurs sont les postures du leader : la traduction de ses convictions et
croyances par le prisme de ses intelligences multiples.
Les pratiques de psychologie positive
expérimentées par les dirigeants leur permettent de s’adapter aux changements
générationnels, aux révolutions des fonctionnements et de traiter les anciennes
menaces comme autant d’opportunités – il n’y a plus rien à perdre, surtout par
le temps.
Depuis Howard Gardner, les
intelligences multiples sont non seulement parfaitement acceptées mais aussi
mises en évidence par les progrès des neurosciences. La preuve dans l’action : le travail formidable de Daniel
Goleman, en particulier, sur les Intelligences Émotionnelles et leur
déclinaison sur la mise en résonance des entreprises.
Il est
parfois important de faire un « reboot » du cerveau du dirigeant sur
les dimensions individuelles et collectives du leadership :
- Être un décideur convaincant, sérénité du dirigeant dans l’expression de ses convictions
- Être un stratège enthousiaste, visualisant des trajectoires ambitieuses mais adaptables
- Être un organisateur maître du jeu, gérant le rythme et le tempo de l’entreprise
- Savoir créer un environnement de confiance pour réussir des choses extraordinaires
- Savoir enrichir l’organisation pour mieux décider, agir et développer les talents
- Savoir dynamiser les équipes, transformer le stress en énergie positive
Auteurs : Xavier Baudard & Patrick Buffet