Dans
notre article précédent, nous avions partagé la genèse du développement et de
notre compréhension des intelligences multiples. Nous avions mis en exergue les
« langages » ancestraux qui permettent de mettre ces intelligences en
action. Dans cet article nous passons en revue les quatre grandes familles
d’Intelligences et leurs impacts sur l’expression du leadership.
INTELLIGENCES ANALYTIQUES
Ces
intelligences regroupent la famille des intelligences logiques (mathématiques
et sciences) de H. Gardner, héritages du raisonnement verbalisé et structuré. Malgré
les différences culturelles évidentes, l’antiquité asiatique et occidentale a
pavé le développement de cette intelligence dans la formation de ses élites, et
plus récemment dans l’éducation et la reconnaissance des mérites.
Ce
sont les formes d’intelligences les plus intuitives car les plus médiatisées,
car associées aux modes modernes d’éducation scientifique.
En
termes de leadership professionnel, ces intelligences demeurent la fondation
des qualités d’analyse, de hauteur stratégique, de conceptualisation et de
vivacité intellectuelle.
INTELLIGENCES PRATIQUES
Ces
intelligences regroupent la famille des intelligences expérimentales non
structurées mais verbalisées. Nous sommes tous familiers avec ces formes
d’intelligences qui sortent des canons classiques de l’intelligence logique,
mais leur reconnaissance en tant qu’intelligences est encore aujourd’hui un
long et lent processus initié par H. Gardner et de nombreux autres chercheurs. Nous
l’observons chez des artisans capables de trouver des solutions pratiques à des
problèmes complexes, ou chez des professionnels aux savoirs multiples.
En
termes de leadership professionnel, ces intelligences sont particulièrement
appropriées pour développer des solutions simples, sa finesse d’analyse et son
habileté tactique.
INTELLIGENCES ÉMOTIONNELLES
Ces
intelligences sont directement inspirées des travaux de D. Goleman. Elles
exploitent notre langage ancestral que l’on retrouve dans notre cerveau
reptilien et notre système limbique : l’empathie. D. Goleman décrit cette
capacité comme une mise en résonance de soi et de son environnement en faisant
converger une bonne connaissance et maîtrise de soi-même avec une prise de
conscience et une interaction authentique avec les autres.
En
termes de leadership professionnel, ces intelligences sont essentielles pour à
la fois développer la sérénité du leader et la capacité à développer
l’environnement de confiance indispensable pour susciter l’engagement des
autres.
Aujourd’hui,
beaucoup d’entreprises ont engagé des programmes d’accompagnement du leadership
pour rendre leurs entreprises plus émotionnellement intelligentes. Le travail
de coaching du leadership se développe aussi souvent sur la mise en résonance
du leader avec son entreprise et le monde extérieur.
INTELLIGENCES SOCIALES
La
terminologie utilisée pour cette famille d’intelligences est en pleine
évolution.
Ces
intelligences recoupent à la fois les concepts d’H. Gardner et de D. Goleman
sur la sensibilité à son environnement, ainsi que les mises en évidence
récentes des recherches aussi bien en neurosciences qu’en psychologie sur les
intuitions.
La
pratique de notre empathie dans des environnements différents et plutôt non familiers
nous permet de développer des capacités intuitives fortes. En étant
provocateur, c’est à peu près tout le contraire de l’expérience professionnelle
classique. Cette pratique développe une expression d’intelligences de
sensibilité (savoir ressentir une situation avant de l’analyser correctement)
et d’influence (savoir faire converger des idées) qui sont des vecteurs
formidables d’incitation à la collaboration.
En
termes de leadership professionnel, ces intelligences sont essentielles pour
donner une étoffe et une épaisseur durables aux dirigeants d’entreprises – en
partie ce que les anglo-saxons appellent les « soft-skills ». La
notion de sensibilité (et donc d’intuition) du dirigeant est souvent associée
aux concepts de développement durable et de responsabilité économique et
sociale, ce qui est probablement vrai, mais un peu trop réducteur et
caricatural.
La
pratique des intelligences sociales permet avant tout d’envisager les futures
formes de l’organisation et de l’engagement des employés ; et permet de
changer ses modes de délégation, de prise de décision rapide et de
développement de vrais talents autour de soi.
INTELLIGENCES ET LEADERSHIP
Notre
première conviction est que les langages et familles d’intelligences, que nous
venons de balayer, sont toutes inscrites dans notre patrimoine cérébral. Toutes
ne sont pas développées pour exprimer leur plein potentiel, mais nous en avons
tous la possibilité. Et nos travaux sur le leadership et l’individuation
professionnelle nous ont confortés dans cette acceptation, quels que soient le
contexte (croissance, retournement, phases de changements, etc.) ou la culture
(européenne, asiatique, moyen-orientale, nord-américaine, etc.).
Notre
seconde conviction est que le leadership n’est pas inné. Chacun de nous dispose
de qualités intrinsèques qui peuvent rendre plus ou moins facile l’acquisition
du leadership. Les exemples les plus cités sont le charisme (indépendamment des
effets contraires de ses excès), et le caractère extraverti de la personne. Néanmoins,
le leadership se développe et s’affine tout au long de son expérience
personnelle et professionnelle.
Le
point de rencontre entre intelligences et leadership se trouve dans nos
postures. Nos intelligences sont le prisme au travers duquel nous verbalisons
qui nous sommes (nos convictions et nos croyances), et ce que les autres
peuvent attendre de nous (visualisation, authenticité, confiance, entre
autres). Plus nous explorons nos intelligences et les pratiquons, plus nous
développons notre potentiel de leader observable par les autres.
Malheureusement,
dans notre carrière professionnelle, nous nous laissons souvent griser par nos
premiers succès : face à telle ou telle situation, nous avons trouvé une
« recette » qui a fonctionné plusieurs fois ? Alors nous la
réutilisons, parfois à outrance. Et lorsqu’elle ne fonctionne plus, nous ne
comprenons pas, et en rejetons fréquemment la faute à des causes exogènes, ce
qui est une marque de non-leadership.
Cette
tendance à répéter nos « recettes » favorites est la caractéristique
même d’une utilisation très restreinte de la palette de nos intelligences
multiples.
Le
challenge pour être un bon leader dans la durée serait-il donc de pouvoir expérimenter
pour apprendre, et de transcender ses succès pour activer le plein potentiel de
toutes ses intelligences en action ?
C’est
la réponse positive apportée par le modèle Aragorn.
Auteurs : Patrick Buffet & Xavier Baudard