Toutes les études le montrent, les salariés souhaitent que
leur entreprise, et donc leurs managers, comprennent leurs motivations propres,
fassent davantage confiance, laissent de l’autonomie, etc.
Elles révèlent aussi que plus de la moitié des salariés ne
se sentent pas encouragés à prendre des risques pour essayer de nouvelles
idées, tenter de nouveaux modes de fonctionnement, etc.
Alors, paradoxe ou dysfonctionnement ?
Le paradoxe du dirigeant
Laurence Saunders, Associée de l’Institut Français d’Action
sur le Stress (IFAS), interrogée par le journal Le Monde en avril 2015, parle
du « paradoxe du dirigeant » : « par anxiété, par peur, le dirigeant n’ose pas
lâcher du lest, faire confiance, mettre en place des politiques plus
collaboratives. Une peur, encore plus réelle dans un contexte de crise
économique, que bien souvent seule la perception de contrôler peut apaiser. Et
plus on veut prendre du contrôle, plus on ajoute du reporting. » Une telle
posture est d’autant plus étonnante que les dirigeants ont généralement été
auparavant collaborateur, puis manager. Et souvent, ils se plaignaient
également de ce qu’ils font subir à leur tour à leurs collaborateurs.
Que se passe-t-il donc ?
Nos années passées en tant que managers, puis dirigeants, les
formations en management que nous avons suivies, les nombreux dirigeants que nous avons
coachés, les études menées sur le leadership avec le Aragorn
Leadership Institute, toute cette matière nous amène à émettre un constat : ce
paradoxe est dû pour une grande partie à un manque de compétence managériale
sur un point précis, savoir sanctionner.
Responsabilisation et sanction, indissociables éléments de management
Avoir demandé cette autonomie, ces responsabilités, ces
possibilités de prendre des risques, et les avoir obtenues, tout cela ne peut
être correctement mis en œuvre sans être conscient qu’un échec devra être sanctionné.
Et cette prise de conscience concerne à la fois le manager et le collaborateur.
Mais que l’on se comprenne bien, sanctionner ne signifie pas uniquement virer
ou entamer une procédure RH lourde. Tout comme récompenser, sanctionner doit
comporter une large palette de possibilités graduées.
Pourtant, trop souvent, la sanction, quand elle arrive, est
dure, voire violente. Le manager, le dirigeant, trop généralement, laissent
passer un premier manquement, puis un deuxième, etc., jusqu’à ce que la marmite
explose et qu’un couperet tombe (moment classique où il est demandé aux RH de
faire le nettoyage, ce qui au passage n’est pas très sympathique de le faire
faire par une tierce partie qui n’y est pas forcément pour grand-chose). Dans
la très grande majorité des cas, la sanction est donc assez binaire : rien ou
pas grand-chose, et tout à coup l’explosion et la sanction radicale sans coup
férir.
Devoir et savoir sanctionner
Sanctionner n’est certes pas la partie la plus sympathique
du management, mais elle en est un aspect primordial. Et si elle est si mal
utilisée, c’est qu’elle n’est pas maîtrisée.
Combien de managers et dirigeants ont suivi des formations
en management ? La majorité je pense. Or, si dans ces formations on montre
comment motiver ses collaborateurs, leur fixer des objectifs SMART, etc., qui y
a appris l’art de la sanction, ou à maîtriser ce que j’appelle le recadrage
positif ? Quasiment personne. Et c’est là que le bât blesse. Car savoir
sanctionner, c’est être capable d’observer les déviations très tôt et de
maîtriser la graduation des sanctions, depuis la simple remarque orale
appropriée jusqu’au licenciement pour faute, faire prendre conscience à un
collaborateur qu’il y a eu erreur (l’erreur est humaine), l’accepter, et lui
faire bâtir le plan d’actions correctif adéquat. Ce n’est pas aller directement
à la sanction lourde du type avertissement officiel ou licenciement pour faute.
Ce n’est pas non plus être dans un monologue de réprimandes,
mais questionner en utilisant toutes ses intelligences multiples, écouter les
réponses, les challenger, faire des contre-propositions, bref identifier la
meilleure solution pour tous. Après tout, n’est-ce pas ce que nous faisons
généralement avec les enfants ? Quand ils font des erreurs, on ne les chasse
pas immédiatement du foyer (enfin j’espère).Et ainsi que Hervé Sérieyx (ancien Président de la Fédération Française des Groupements d’Employeurs, entre autres) l’a montré dans ses travaux, il ne peut pas y avoir d’autonomie réelle sans sanction des engagements non tenus, et la correction rapide des erreurs évite les démotivations ultérieures. Ces deux éléments sont d’ailleurs valables pour les deux parties (manager et collaborateur).
Managers, dirigeants, travaillons donc davantage notre capacité à sanctionner justement, intelligemment, et avec bienveillance. Nos équipes ne pourront qu’en sortir grandies et donc être plus efficaces. Car la conséquence d’une non maîtrise de la sanction, ce peut être le micro-management, le reporting, les contrôles à outrance, etc., soit des éléments d’entrave, de ralentissement des process, donc des pertes d’efficacité. Or, qui ne recherche pas l’efficacité ?
Auteurs : Xavier Baudard & Patrick Buffet