Le succès de Vineet Nayar avec
son livre “Employee First, Customer Second » interpelle. Le formidable
succès de Vineet avec son entreprise HCLT est une réalité et une belle preuve
par l’exemple. Est-ce une raison de faire de son cas particulier, une
généralité ? Difficile de répondre. Ce qui est sûr, Vineet nous embarque
sur un chemin en rupture avec les canons habituels sans nous donner de leçons
et sans arrogance. Il nous donne des clés, à nous de décider ce que nous
voulons en faire.
Vineet Nayar nous force à
déplacer le centre de gravité du débat traditionnel sur le bien-fondé des
priorités managériales. Ces priorités sont souvent pilotées par les
actionnaires des entreprises cotées, où la rémunération des dirigeants est
arcboutée sur l’évolution de critères d’investissement (valeur de l’action par
rapport à des paniers comparables), souvent au détriment de considérations
clients. Après avoir eu le « customer first », puis la priorité
donnée aux actionnaires, le débat se déplace maintenant vers les employés et
c’est une excellente chose. Vineet nous engage sur un chemin
rajeunissant : un triptyque employés, clients et investisseurs où
l’innovation et le progrès (par opposition à la croissance) ne peuvent plus être
sacrifiés comme ils le sont régulièrement sur des bases d’indicateurs de
rendements à court-terme.
LA
METHODE DE VINEET NAYAR
En risquant d’être réducteur, il y a trois phases de
l’approche de Vineet Nayar que l’on retrouve dans l’approche que nous
pratiquons avec la méthode de leadership Aragorn :
- Un modèle de leadership proche du Leader « Level V » de Jim Collins
- Une évolution de l’entreprise bâtie avec ses membres, issus de toutes les couches hiérarchiques
- L’appropriation par tous des changements vécus par l’entreprise
1) Le dirigeant doit
se remettre en question et entamer une réflexion sur soi-même et sur ce qu’il souhaite
pour le devenir de l’entreprise. C’est un vrai concentré de
leadership selon les 6 dimensions du modèle Aragorn :
- J’expose mes convictions avec sérénité
- J’ai une piste pour la trajectoire de mon entreprise : formulée en interne et pilotée par le dirigeant
- Je gère intelligemment le rythme de progression rapide de mon entreprise (rapide : sans précipitation, ni trop lentement)
- Je communique avec beaucoup d’authenticité (transparence, cohérence entre le discours et les actes)
- J’encourage la contradiction (climat de confiance)
- Je transmets de l’énergie à l’entreprise, pas des ordres
2) Seulement si le
désir de changement est là, le dirigeant doit créer un climat de confiance
parmi les employés pour que la transformation débute. Notre conviction est que le travail de la trajectoire et de la gestion
du changement est un travail à faire par les dirigeants et les employés.
C’est l’essence de l’approche de la méthode de
projection stratégique Gandalf, largement utilisée par les coachs Visconti. On
ne peut pas prédire le futur, alors imaginons-le et construisons-le ensemble ;
bâtissons un rêve et une trajectoire crédible pour l’atteindre. Pas de plan
hyper-précis et contraignant, mais une ambition… une trajectoire.
Une étude récente montrait que les décisions de conseillers
en placement se trompaient à 56 % ; autant lancer une pièce et le résultat
sera statistiquement meilleur. Mais voilà, notre inconscient collectif aime se
raccrocher à des archétypes : la sagesse des conseillers extérieurs qui
sont forcément plus « sachant » que les forces de l’entreprise au
contact du marché en permanence. La signature d’un conseil extérieur a presque
toujours plus de poids que les intelligences internes à l’entreprise.
Ce tropisme a vécu, et Vineet l’a très
bien transcendé.
3) Finalement construire
une structure du changement en inversant la pyramide organisationnelle. Un concept
souvent promu dans les entreprises, mais rarement appliqué ; en tout cas
pas aussi loin que Vineet l’a fait chez HCLT
Depuis les années 90, des slogans ont fleuri dans le
monde de la conduite des entreprises, par exemple :
- Les mauvaises nouvelles doivent aller très vite vers le sommet de la hiérarchie – confiance et transparence en minimisant les risques inhérents de la délégation vers le haut
- La créativité se développe toujours “aux extrémités de l’organigramme” (là où les gens interagissent avec le monde extérieur), jamais au centre, ni au sommet de la hiérarchie sous prétexte des « galons »
La méthode de Vineet facilite l’exécution opérationnelle
de telles maximes. Si les changements structurels se pilotent bien avec des
techniques élaborées de conduite de projet, le contenu et le rythme de ces
changements nécessite l’appropriation de tous les employés. Les changements les
plus durables sont souvent ceux qui se développent en mode adaptatif, en
évolution tout au long de leur application rapide. La simplification des
organisations pour les mettre au service des employés et des clients est
indispensable.
Néanmoins, si l’inversion de la pyramide
organisationnelle est attractive, sa mise en œuvre s’avère souvent très
délicate. Le pivot de cette organisation se faisant au niveau des structures de
management intermédiaire, ce sont donc encore elles qui « souffrent ».
Or, n’oubliez pas que ce sont elles qui font tourner l’entreprise.
UN
BON COCKTAIL CONFIANCE & CHANGEMENT
Dans le contexte de la méthode Aragorn, nous publierons
prochainement un papier sur les 4 formes d’intelligence. En particulier, nous y
décrirons – sur la base des travaux de D. Goleman – comment l’utilisation de
son intelligence sociale favorise la création d’un climat de confiance.
Le point de vue de Vineet est intéressant et pertinent
sur ce sujet
- Mettre en œuvre les conditions de la transparence : libre circulation de l’information. La transparence devient ainsi outil de motivation, d’implication et favorise l’acceptation du changement.
- Favoriser le changement : bien maîtriser la cartographie de son entreprise : réfractaires, neutres ou volontaires. Appliquer des méthodes génération Y : libre accès, désacralisation du leader et dématérialisation des contraintes de groupe (faire sauter les bouchons informationnels).
Dans notre étude, nous démontrons que le dirigeant
doit retrouver ses forces d’intelligences sociale et émotionnelle qu’il a
laissées de côté sur son chemin professionnel.
- Se remettre en cause : avec l’humilité du leader « Level V », interroger ses propres employés à tous les niveaux (un 360° à 20 000 entrées) – mettre les bonnes personnes aux commandes, pas nos amis et partenaires de toujours, pas celui qui a bien parlé en dernier, mais les meilleurs.
PAR
OU COMMENCER ?
Le
chemin sur l’axe « les employés d’abord » peut très bien se faire en
appliquant la méthode de Vineet Nayar : 4 étapes de réflexion,
d’engagement et d’action.
1) Regarder dans le
miroir, point de départ et point d’arrivée
Pour toute
trajectoire, les points de départ et d’arrivée doivent être les moins ambigus
possible. La proposition de Vineet est pertinente dans l’expression d’un
constat partagé, et d’une ambition (le rêve Gandalf). Le chemin entre les deux
points doit se construire, se valider au quotidien et s’autocorriger en
fonction des évènements rencontrés.
2) Favoriser les
conditions pour l’émergence d’une vraie confiance
On ne crée pas la confiance, on crée les
conditions pour qu’elle se développe et s’instaure. Ce sont les postures de
leadership du PDG en premier, et ensuite celles des cadres intermédiaires qui
vont conditionner la confiance. L’habitude de « jeter » quelques
initiatives dans l’arène de l’entreprise, a très peu de chances d’aboutir aux
résultats escomptés. L’expression de leadership du PDG, la manière de diriger
de l’ensemble des cadres intermédiaires sont les clés de la réussite. Laissez
les employés créer, et formez vos managers à se transformer.
3) Renverser la
pyramide
C’est un exercice qui
est loin d’être évident à mettre en place. N’ayez pas peur de tâtonner et de
faire des erreurs, car la récompense est énorme. Vous devez trouver un
équilibre entre deux mondes a priori peu compatibles : le court terme
(délégation des objectifs et engagements de réussite conduits par une
hiérarchie organisationnelle) et le moyen terme (mettre les managers au service
des employés pour libérer les énergies et les idées). Notre travail avec
Aragorn est d’affûter votre leadership pour réussir ce challenge.
4) Distribuer la
conduite du changement
La trajectoire entre votre point de
départ et votre destination donne un champ large de possibilités. Pour être
efficace sans brider la créativité et sans tiédir les énergies des employés, ne
lancer pas trop de « grandes routes », pas trop d’initiatives ou de
projets stratégiques ; de plus, assurez-vous que ces grand axes soient
suffisamment simples pour être suivis, et que leurs contenus soient
suffisamment souples pour donner de la place aux initiatives venant des
extrémités de l’organisation aux contacts des clients et du marché.
En d’autres termes : en tant
que dirigeant, vous savez que votre point d’arrivée (le rêve désirable de
Gandalf) n’est qu’une hypothèse et que le dirigeant doit sans cesse être à
l’écoute de tous les éléments internes et externes qui valident ou invalident
le rêve, pour ensuite ajuster les trajectoires internes du changement. Une
forme de Leadership assez révolutionnaire à développer aux côtés des
contraintes à court terme.
En
conclusion, la focalisation sur les employés de Vineet Nayar est pertinente, sa
méthode convaincante. Et elle a l’immense mérite de mettre l’accent sur ce qui
fait le cœur de l’entreprise : ses employés.
Mais signifie-t-elle que l’ancien
leitmotiv « customer first » est obsolète, tout comme la priorité
récente donnée aux actionnaires ? Nous ne le pensons pas. Un
questionnement et une écoute différente des clients sont un complément
absolument nécessaire. Tout comme avec les actionnaires. Ce triptyque
investisseurs-employés-clients constitue la base isostatique et donc stable de
l’entreprise, celle sur laquelle le dirigeant doit s’appuyer et peut assoir son
leadership. Ces axes permettront de faire converger de nouvelles formes de
leadership pour le dirigeant, et des postures appropriées aux enjeux,
l’ensemble donnant à tous une pertinence accrue du projet d’entreprise auprès
des investisseurs.
Auteurs : Patrick Buffet et Xavier Baudard
Auteurs : Patrick Buffet et Xavier Baudard
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